Macron : « cachez ces Gilets jaunes que je ne saurais voir »

macron grand debat 1

Par Michel Quinet, Secrétaire général du parti de la démondialisation.

Le 27 avril 2019

Le mouvement des Gilets jaunes n’est pas un coup de sang éphémère, il dure … A la grande déception du gouvernement eurolibéral et de son envoyé spécial, Macron.

Face à cette dure réalité, Macron et le gouvernement ont essayé en décembre de le désamorcer en annonçant la suppression de l’augmentation de la taxe sur les carburants et une fausse hausse du SMIC. Ces mesurettes vont, selon l’INSEE, doper un peu la consommation mais ne répondent aucunement aux attentes des manifestants. Dans le même temps, le pouvoir use de la violence et de l’intimidation en plus de la désinformation en réprimant les manifestants du samedi, en expulsant les Gilets jaunes des ronds-points (ils y sont revenus), lieux de rencontre de communication et de soutien de la population, en qualifiant les gilets jaunes de haineux , d’agressifs et de racistes, de quasi terroristes.

Comme les Gilets jaunes s’obstinent, affinent par la discussion leurs revendications légitimes que Macron-Philippe ne peuvent plus caricaturer comme un refus de la taxe sur les carburants, celui qui se prend pour Jupiter a sorti de son chapeau son « Grand débat national ». Très vite cette initiative a montré ce qu’elle était : un grand enfumage doublé d’une opération de com’. Macron, en prétendant répondre aux questions des « gens », s’est adjugé un temps d’antenne considérable et n’a fait que défendre sa politique en réaffirmant que ses choix politiques sont les bons, qu’on y changera rien. Seuls quelques aménagement mineurs, ne mettant pas en cause l’essentiel, sont possibles car ils sont avant tout destinés à relâcher un peu la pression sur certains pour tenter de diviser.

 

Des questions pré-établies auxquelles le gouvernement a déjà des réponses

Les quatre thèmes du grand débat ont été imposés, l’introduction liminaire de chaque thème n’étant que la présentation des actions menées par le gouvernement. L’analyse de la situation est biaisée, la plupart des questions sont fermées et les réponses proposées limitent les options tout en occultant certains aspects des problèmes. Tout ramène à l’individualisation des situations et des solutions.

Ainsi pour la transition écologique la focalisation est faite sur les gestes individuels et citoyens pour le développement durable sans dire que 90 multinationales produisent 54% du CO2 ni parler de l’impact des transports de marchandises dans le cadre de la répartition internationale du travail et du libre-échange.

De même sur le thème « fiscalité et dépense publique », partant du postulat que la France dépense plus qu’elle ne gagne, l’alternative proposée est soit diminuer la dépense publique soit augmenter les impôts. Immédiatement cette deuxième proposition est exclue, reste donc une seule voie : choisir quelles dépenses publiques il faut diminuer…

 

Chapeau l’artiste s’extasient les médias !

Après trois mois de grand show médiatique de Macron, dont les médias ont surtout retenu l’aspect performance de l’artiste, il est temps de faire la synthèse, de prendre des décisions

Edouard Philippe se charge de la première présentation. Et là, oh surprise !, les quatre exigences qui ressortent du « grand débat » sont justement les quatre thèmes choisis pour orienter et canaliser le débat ...

Ainsi les français ressentiraient une exaspération fiscale, que l’on va traduire par des baisses d’impôts pour tout le monde, y compris les entreprises. Le besoin de fraternité, le sentiment d’isolement ne seraient qu’une question d’équilibre entre les métropoles qui réussissent dans le cadre européen de la mondialisation et les communes qui subissent les conséquences de cette mondialisation. Le besoin en services publics ne serait qu’une question d’adaptation qui devrait pouvoir se faire sans grand chambardement. L’exigence de démocratie part du constat qu’il faudrait réconcilier les Français avec ceux qui les dirigent. Et de nous parler d’une « démocratie participative au long cours ». La transition écologique est résumée à l’urgence climatique. Ouf ! Le gouvernement est content : les Français ne sont pas climato-sceptiques et sont prêts à changer de comportement.

 

Macron espère siffler la fin de la partie

Après ce tour de chauffe par le premier ministre, le président peut parler et siffler la fin de la partie. Son intervention est faite dans le cadre d’une monarchie républicaine où le président, découvre les injustices, compatit au malheur de ses sujets, mais dirige fermement lui-même : j’ai pensé, je décide, je demande au gouvernement … Ses propositions reprennent ce qui est dans sa ligne politique et ne la remet pas en cause : baisse des impôts - alors qu’une demande forte est un impôt juste : recréer des tranches supérieures pour les gros revenus -, défiscalisation et désocialisation des primes qui accélèrent le déséquilibre de la Sécurité sociale, diminution du nombre d’élus. Pour le reste, l’indexation des petites retraites n’est qu’un retour, partiel, à la situation antérieure quand la revendication est le retour de l’indexation des retraites sur le salaire moyen, supprimée en 1987. La sauvegarde des services publics consiste à confirmer les « Maisons de services au public », à redéployer des fonctionnaires sur le terrain. Mais où les prendre quand la destruction des trois fonctions publiques (Etat, Territoriale, hospitalière) est plus que jamais criante ? La démocratie participative est confinée au local. Pas question de référendum d’initiative citoyenne, qui pourrait remettre en cause la démocratie représentative telle qu’elle existe, refus de prise en compte du vote blanc. Quant à la « convention de 150 citoyens tirés au sort » chargée de « travailler à la transition écologique et aux réformes concrètes à prendre », c’est une nébuleuse! Elle sent la diversion tant que l’on en saura pas plus.

Rien de nouveau sous le soleil, ça peut continuer comme avant, en se prévalant de la volonté des Français. Les décisions prises en conclusion du grand débat ne reviennent pas sur les cadeaux fiscaux faits aux entreprises et aux plus riches. Pire encore, la destruction des services publics peut continuer puisqu’il faut réduire les dépenses publiques. Les élus locaux sont remis en valeur et les corps intermédiaires sont ressortis de leur placard, instrumentalisés et parfois consentants. Les Français vont se responsabiliser pour sauver la planète.

Bref, le gouvernement esquive le débat et ne répond pas aux revendications des Gilets jaunes. Enfin, soyons honnêtes, on n’attendait pas le contraire !

 

Du Grand débat du bouffon au Vrai débat des Gilets jaunes : le fossé est définitif !

 Le gouvernement s’est adressé « aux Français » en excluant les Gilets jaunes du peuple. La ficelle est grosse et ces derniers ne sont pas tombés dans le piège d’un débat faussé. Ils maintiennent la pression de la rue tout en s’organisant avec la tenue des Assemblées des Assemblées, tous les deux mois. Les revendications communes qui en émergent sont claires et fortes.

Le Vrai débat(1), une plateforme de débat mise en place par des Gilets jaunes a fait ressortir des thématiques dont on trouve certaines dans le Grand débat, mais dont Edouard Philippe n’a pas dit mot comme l’imposition plus forte des riches, la suppression de la TVA, des propositions pour plus d’intervention des citoyens dans la vie politique et le contrôle des élus, la remise en cause de l’agriculture industrielle, des solutions pour les transports des personnes et des marchandises.

Si le Grand débat est clos et a accouché d’une souris, le Vrai débat ne l’est pas, les discussions dans les groupes de Gilets jaunes continuent et vont plus loin, en remettant en question profondément le système. Evidemment cette radicalité d’analyse et d’objectifs n’est ni audible ni admissible par le pouvoir. La conjugaison de l’action et de la réflexion des Gilets jaunes ouvre des chemins nouveaux pour une société où liberté ne rime plus avec libre-échange, où fraternité reprend son sens, où l’égalité n’est plus un vain mot mais une perspective crédible. Et c’est bien cela qui donne au mouvement des Gilets jaunes la saveur des printemps pré-révolutionnaires !

(1) https://www.le-vrai-debat.fr/