Le 19-04-2017
Le 1er septembre 1939, sans déclaration de guerre formelle, l'armée du Reich envahissait la Pologne au prétexte que les troupes polonaises se seraient rendues coupables de provocations le long de la frontière germano-polonaise… L’invasion allemande d’aujourd’hui est différente : elle est pernicieuse et silencieuse. Elle vise à réprimer le "délit d’indiscipline européenne." Le groupe de presse allemand Springer mène ainsi une croisade fervente pour promouvoir la vision allemande de l’Union européenne. Il demande à ses journalistes polonais de « rééduquer » les lecteurs des journaux polonais de son groupe !
Depuis quelques jours, le gouvernement « Droit et justice » (PIS) est accusé de vouloir « repoloniser et déconcentrer » les médias polonais. Retour sur les faits.
Donald Tusk (Plate-forme civique - PO), président du Conseil des ministres de Pologne de 2007 à 2014, avait autorisé entre 2013 et 2014 la filiale polonaise (Polska Presse) de l’allemand Verlagsgruppe Passau, à doubler son emprise sur la presse régionale.
Un enregistrement datant du 17 avril 2014 a refait surface en avril 2016. On y entend un secrétaire d’État à la chancellerie du Premier ministre, Donald Tusk, obtenir du milliardaire polonais Jan Kulczyk qu’il intervienne auprès de Friede Springer, actionnaire majoritaire du groupe Axel Springer et amie d’Angela Merkel, à propos des critiques du journal Fakt. Rappelons que le mari d’A. Merkel est membre du conseil d’administration de la Fondation Friede Springer...
Six semaines après cette conversation, le rédacteur en chef de Fakt, en poste depuis près de 11 ans, était remplacé et le tabloïd adoptait une ligne plus anti-PIS et qu’il a conservée depuis.
L’actuel rédacteur en chef de Newsweek Polska, Tomasz Lis, est lui de toutes les manifestations contre le gouvernement de Beata Szydło (présidente du Conseil des ministres de Pologne – PIS) et se répand dans les médias allemands sur les terribles répressions dont seraient victimes les journalistes de son pays et sur la dictature que chercherait à instaurer le PIS. Son soutien indéfectible au gouvernement des libéraux de la Plateforme civique (PO) de 2007 à 2015, lui avait permis de produire une émission politique pour la télévision publique polonaise que la nouvelle direction a arrêtée début 2016.
Le rédacteur en chef de Forbes Polska a publié sur Facebook, au moment du blocage de la Diète par une partie de l’opposition en décembre dernier, une liste d’instructions à suivre pour organiser le « Maïdan » qu’il souhaitait en Pologne.
Mark Dekan, PDG du groupe Ringier Axel Springer, a envoyé une lettre aux journalistes polonais du groupe le 13 mars 2017, après le sommet de Bruxelles reconduisant Donald Tusk à la présidence du Conseil européen, dans laquelle il dévoile la philosophie et la politique de son groupe de presse en Pologne.
On peut y lire qu’avec Tusk, les Polonais ont gagné tandis que les perdants sont le leader du PIS Jarosław Kaczyński et que la bonne réputation de la Pologne au sein de l’UE est mise à mal. Mark Dukan explique qu’à Bruxelles, le 9 mars, « l’idéologie et les manipulations ont échoué contre les valeurs et la raison », et que « sur l’autoroute de l’intégration européenne existent une voie rapide, une voie lente, mais aussi un parking ». Selon Mark Dukan, « c’est justement le moment où entrent en jeu les médias libres comme nous. N’oublions jamais les valeurs fondamentales que nous représentons : nous sommes en faveur de la liberté, de l’État de droit et de l’EUROPE UNIE * Souvenons-nous que la majorité de nos lecteurs et utilisateurs appartiennent à cette écrasante majorité qui soutient la présence de la Pologne dans l’UE. Indiquons leur ce qu’il faut faire pour rester sur la voie rapide et ne pas finir sur le parking. L’enjeu, c’est la liberté et la réussite des générations futures ». Suivent des statistiques montrant l’attachement des Polonais à leur adhésion à l’UE tout expliquant que la critique des jeunes à propos de l’UE est la faute des médias : « Pourquoi croient-ils moins à l’idée d’une Europe commune ? Les populistes qui ont traîné l’UE dans la boue et les médias qui ont créé l’image négative d’une UE enfoncée dans la crise y ont certainement contribué ».
Ce que demande le PDG de Ringier Axel Springer à ses journalistes polonais, c’est donc de promouvoir la vision allemande de l’Union européenne et de tout faire pour « rééduquer » les lecteurs des journaux de son groupe et les dresser contre la « politique européenne » du PIS.
Pour le PIS - qui ne remet pas en cause l’adhésion de la Pologne à l’UE -, cette lettre du groupe Springer vient à point nommé pour convaincre une majorité de Polonais de la nécessité de « repoloniser » les médias.
Beata Szydło a donc immédiatement assuré qu’il mènerait rapidement à bien son projet de repolonisation et de déconcentration des médias.
Certes le gouvernement polonais n’est pas exempt de critiques et de dérives extrême-droitières mais peut-on lui reprocher de vouloir briser la concentration étrangère de la presse, de défendre l'existence de médias nationaux ? Non, mais à condition que ces médias soient libres et indépendants du pouvoir et des puissances de l’argent !
Pour le Pardem, l’absence organisée et systématique de pluralisme de l’information et de débat politique ainsi que la volonté d’imposer le néolibéralisme comme pensée unique ont une cause : la propriété privée des grands médias par des groupes capitalistes de plus en plus concentrés. Cette situation leur permet de recruter des journalistes triés sur le volet sur des bases idéologiques, ne laissant que peu de place à des journalistes « atypiques ». Pour échapper à cette intolérable ingérence étrangère et à la privation de presse indépendante des puissances financières, il faut donc mettre en œuvre les mesures du Conseil National de la Résistance : « liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances d’argent et des influences étrangères ».
D'ici là il faut hélas s'attendre à de nouvelles attaques de l’Union Européenne contre la Pologne et tous les pays « indociles ».
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