Du travail pour tous, un emploi pour chacun

Au moment où le chômage, en France, bat tous les records à cause des politiques menées par le Parti socialiste au gouvernement, l’Union européenne et l’euro, le Pardem réaffirme qu’il est possible de le supprimer ainsi que la précarité.

Imaginons une île déserte et fertile sur laquelle échouent 20 naufragés de tous âges. Naturellement, ceux qui en ont les capacités physiques et intellectuelles (c’est-à-dire, tous sauf les malades et les enfants) vont se mettre au travail pour répondre aux besoins de l’ensemble de la communauté. Certains iront moins vite que d’autres mais pour autant, on trouvera normal et souhaitable qu’ils contribuent comme les autres, à hauteur de leurs capacités. Ils le feront parce qu’ils constituent une communauté unie dans l’objectif de vivre sur un territoire limité et avec des ressources limitées.

Si la force de travail augmente ou si des machines sont imaginées pour le rendre plus productifs, le raisonnement ne sera pas remis en question. On cherchera à occuper toutes les forces disponibles et on ne manquera pas d’idées pour les occuper utilement et au service du mieux-être général. Les productions seront réparties en fonction du travail fourni, ou selon les besoins ou le mérite de chacun, suivant les règles fixées par la communauté.
 

Qui aura l’idée saugrenue de considérer qu’utiliser les trois quarts de ce potentiel
est une meilleure solution ?

Personne, tant que le sort de chacun sera décidé collectivement. Les choses peuvent changer très vite si l’un des naufragés acquière une position dominante et accapare une partie des ressources et des moyens de production. S’il est en position de prêter et s’il monnaie ce pouvoir, il accumulera encore des ressources. Il pourra alors rapidement payer le travail de tous les autres, l’orienter vers certains objectifs et l’organiser pour le rendre plus productif.

Notre apprenti employeur ne se contente pas, de cette manière, d’introduire des inégalités et de l’injustice ; il pose un grave problème de démocratie. D’une part, il décide seul du niveau de besoin de l’ensemble de la communauté et, dans une certaine mesure, de la nature de ces besoins. D’autre part, il décide qui aura le privilège d’avoir un emploi rémunéré et qui n’aura pas ce privilège. Il choisira les plus productifs ou les plus dociles suivant les enjeux du moment.

Le Pardem défend le droit opposable à l’emploi pour supprimer la discrimination entre les privés d’emploi et les dotés d’emploi. Nous pensons qu’il faut abolir le chômage (comme fût aboli le servage ou l’esclavage) au motif que c’est un statut indigne de l’homme. Dans le cadre d’une nation souveraine, le Pardem défend la nationalisation de l’ensemble du système bancaire et donc de la création monétaire qui doit être réorientée vers le paiement de salaires. Il défend également un contrôle citoyen des activités productives pour garantir qu’elles répondent aux besoins de la population.

 

Le chômage est un choix économique et politique

À l’opposé de la démarche du Pardem, il est admis, dans la majorité des partis de droite comme de gauche qu’il n’y a plus assez d’emplois pour tout le monde dans un pays développé comme la France. En raison de la hausse de la productivité, on pourrait produire plus avec moins de monde et satisfaire ainsi les besoins de tous.

Le plein-emploi a d’ailleurs disparu en tant qu’horizon politique et les programmes des partis se contentent de développer des politiques en faveur de l’emploi susceptibles de traiter le c as, au mieux, de quelques centaines de milliers de chômeurs, et donc d’ignorer les millions d’autres sans emploi.

Si la référence au plein-emploi des années 70 ne fait plus recette à gauche, c’est bien sans doute parce qu’il appartient au passé, et reconnaître, pour un « progressiste de gauche », qu’un exemple intéressant peut se situer 30 ans en arrière, c’est reconnaître l’échec de l’ensemble des politiques et notamment des politiques de gauche depuis 1980. L’idée qu’on manque d’argent pour financer des emplois est heureusement en forte perte de vitesse, comme en témoigne le succès des propositions de doublement du salaire minimum ou de revenu universel. Nos concitoyens ont compris qu’on savait trouver de l’argent ou en créer en quantité quand il s’agissait de payer un parachute doré à un haut dirigeant, de renflouer une banque ou de faire monter les prix de l’immobilier.

Ceux  qui refusent de vivre dans une société où le taux de chômage dépasse 10% de la population active
restent souvent attachés au partage du travail.

Cette mesure est intéressante de par son potentiel créateur d’emploi. L’INSEE chiffre à 350 000 le nombre d’emplois créés sur la période 1998-2002 qui peuvent être mis au crédit du passage aux 35 heures et on conçoit facilement que le gain aurait pu être nettement supérieur si la réforme avait privilégié cet objectif. Elle peut également être un facteur d’amélioration sensible des conditions de travail, notamment pour les travaux pénibles. Enfin, elle va logiquement dans le sens d’une meilleure rémunération du salaire-horaire, au moins sur les bas salaires que les promoteurs du partage du travail n’envisagent pas de faire baisser.

En revanche, elle a le gros inconvénient de ne pas remettre en question l’idée communément admise qu’il y a de moins en moins de travail. Puisqu’on ne pourrait plus fournir un emploi à chaque actif, les défenseurs de la réduction du temps de travail admettent qu’il faudrait se contenter de partager plus équitablement les emplois existants.

Au Pardem, nous pensons, au contraire, qu’il est indispensable de mener une bataille idéologique contre cette idée si nous voulons vaincre le chômage et le partage du travail ne peut donc pas être la mesure phare d’une politique de l’emploi.

Le temps de travail a baissé de 25% de 1950 à 2007 et le chômage a progressé sur cette période.

Le chômage est une construction patiente des capitalistes qui préservent ainsi leur pouvoir et leurs profits.

C’est le principal outil pour re-discipliner le salariat (loin devant les attaques sur les droits syndicaux). Les capitalistes ont répandu l’idée que le chômage était un fait de société afin de désamorcer les conflits (on ne se bat pas contre les « lois de l’économie »). En persuadant nos sociétés post-industrielles qu’elles ont trop de main-d’œuvre disponible, les capitalistes ont, du même coup, convaincu les peuples que le plus important pour produire, c’est le capital.

Cette idée est bien sûr reprise et défendue par tous ceux qui ont mené depuis les années 80 des politiques du chômage (puisqu’on peut difficilement les qualifier de politiques de l’emploi). Les exemples des pays du sud de l’Europe font froid dans le dos puisqu’ils semblent montrer que le taux de chômage peut monter jusqu’à 20% ou 25% sans que soit remis en cause le système économique qui l’a créé.

 

Repenser l’efficacité des emplois

Les gains de productivité ont de moins en moins de lien avec le nombre d’emplois créés dans une économie post-industrielle et il ne faut pas les redouter. Il faudrait, au contraire, les encourager, avec discernement, dans la mesure où ils diminuent les risques au travail et le temps de travail.

Le nombre d’heures travaillées en France est passé de 45,7 milliards d’heures en 1949 à 40,4 en 2008, soit une baisse de 12% (chiffres INSEE). C’est deux fois moins que la baisse du temps de travail individuel sur la même période et cela ne peut donc pas expliquer l’augmentation du chômage. Il faut cependant souligner une exception notable, celle de l’agriculture. Les effectifs se sont littéralement effondrés (-90% d’heures travaillées entre 1949 et 2008) et c’est effectivement dans ce secteur que la productivité a le plus nettement augmenté (loin devant l’industrie) et continue encore aujourd’hui à progresser fortement. Ce chiffre passe souvent inaperçu car l’emploi salarié était encore très peu développé dans ce secteur dans la France d’après-guerre.

Les calculs de productivité ne nous disent finalement pas grand-chose. Ils permettent de comparer des organisations et des équipements mais excluent bien souvent tous les coûts périphériques. On ne sait rien sur l’explosion des services connexes (marketing, publicité, traduction, réglementation…) en grande partie liés à la mise en concurrence des activités au niveau mondial, ni des coûts de transport et des coûts environnementaux qui ne sont jamais comptabilisés à leur juste valeur. Pour ceux qui calculent des profits, c’est bien inutile puisque ces coûts sont très largement prélevés sur les budgets publics.

Sur la même période, une grande partie de la production des biens de consommation courante a été délocalisée (ou, pour ce qui concerne les nouveaux produits, n’a jamais été localisée en France).

On se pose peu de questions sur la productivité dans la fabrication de ces produits importés, pourvu qu’ils arrivent à un prix bas sur le marché français.

Par ailleurs, cette course à la productivité dans les entreprises ne s’est pas faite uniquement par les innovations technologiques, comme on voudrait nous le faire croire. Elle a été principalement alimentée par l’augmentation des volumes de chaque unité de production qui n’a été possible que par une forte concentration et une large ouverture des marchés, avec des effets nuisibles qui vont bien au-delà du chômage de masse. Sur ce point, il ne faut pas se laisser leurrer par la diversité apparente des produits qui nous sont proposés.

Chaque modèle de voiture est aujourd’hui produit en bien plus grandes quantités, sur une seule chaîne de production, que les anciens modèles qui semblaient localement et durablement dominer un marché, avec la nécessaire adaptation des circuits de transport et de distribution à l’échelle de la planète. On peut prendre l’exemple de la DS-19/21/23 produite à un million et demi d’exemplaires sur 20 ans alors que ce chiffre représente aujourd’hui le minimum de rentabilité en production annuelle (1).

Les citoyens devraient pouvoir intervenir pour valider ou invalider ce type de stratégie dans la mesure
où elles entraînent des mutations importantes à l’échelle de notre société.

Enfin, pour en finir avec les idées fausses sur la productivité, des gains importants ont été obtenus par des ajustements sur le personnel : par le choix des salariés les plus productifs (puisqu’il y a le choix !) ou en compressant le personnel pour augmenter l’intensité du travail (sous-effectif chronique). Suite à la réforme des 35 heures, la productivité a progressé en France de 3% par an en 2002 et 2003 alors que le gain moyen était de 0,7% de 1993 à 2002. Cette réforme a permis, certes, de repenser les organisations dans un sens parfois positif mais bien souvent de diminuer le travail considéré comme improductif (pauses, déshabillage...) et d’intensifier le travail.

À l’échelle de la société française, la production de biens et de services par actif est évidemment mauvaise si on inclut les chômeurs dans les actifs. Notre économie est inefficace si on lui impute le coût du chômage. Ce coût comprend les rémunérations des chômeurs, l’ensemble des services publics et privés qui vivent du chômage (car il faut des moyens de plus en plus sophistiqués pour « accompagner » les chômeurs ou les sélectionner pour les rares postes disponibles), mais également le coût social puisque le chômage peut détruire des individus et des familles et surtout, le coût pour la société de se passer d’autant de main-d’œuvre productive.

Alors, qu’on ne vienne pas nous rebattre les oreilles avec la hausse de la productivité ! Il s’agit d’une productivité apparente, dans un système économique qui brille par son inefficacité.

Le chômage ne s’est pas développé en supprimant des emplois ; il s’est développé en parallèle d’une augmentation importante du temps de travail salarié. C’est ainsi que le nombre d’heures travaillées par les salariés a progressé de 43% de 1949 à 2008. Le taux d’emploi des 20-60 ans était en 2010 de 76% alors qu’il était de 67% en 1962. Ici, les intérêts capitalistes ont habilement rencontré ceux des femmes qui visaient à s’émanciper par l’autonomie financière et donc, par le statut de salarié. À partir du moment où les deux membres d’un couple touchaient un salaire, il devenait possible de diminuer significativement les salaires en limitant l’impact social. Dans nombre de situations, le recours aux heures supplémentaires a eu la même fonction de permettre une diminution du salaire de base sans entamer le pouvoir d’achat.

On s’interroge très peu sur la quantité d’emplois qui ont explosé dans le tertiaire (notamment dans la banque, le conseil, l’assurance ou le commerce), peu de questions sur leur utilité et encore moins sur notre incroyable capacité à les financer car on observe que les emplois socialement inutiles sont les mieux rémunérés. Le développement des activités dans l’environnement, qui ne visent jamais qu’à pallier les externalités de productions conçues comme polluantes, sont un autre exemple de ce qu’on peut faire de plus illogique en matière de développement d’activités nouvelles.

Le secteur du traitement des déchets met bien en évidence cette situation absurde où un coût pour la société devient une source de profit pour une entreprise.

C’est comme si notre société était divisée en deux mondes distincts : un secteur marchand qui pourrait créer les emplois qu’il juge rentables, utiles ou non, nuisibles ou non, supposés ne rien coûter à la société et un secteur non marchand qui, par essence, coûterait très cher et ne rapporterait rien. Le secteur public serait au service des activités marchandes en lui fournissant du personnel formé, en bonne santé et des moyens de communication. À l’inverse, le secteur marchand ne devrait rien à la société. Il ne remplit même plus la dernière mission qu’on lui reconnaissait encore, à savoir créer des emplois. Il ne faut donc pas s’étonner que les entreprises paient moins d’impôt en France qu’elles ne reçoivent de subventions ! Il faudra pourtant, si on se projette dans une société à économie mixte, penser plus globalement et avec la même rigueur l’affectation des ressources humaines et des moyens financiers.

 

Créer des emplois pour répondre aux besoins de la population

Au-delà du raisonnement économique sur la productivité et le coût du travail, il est tout à fait étonnant (voire choquant) de considérer que l’ensemble des besoins sont globalement satisfaits et donc, qu’on ne saurait pas bien comment occuper utilement des salariés supplémentaires. D’où l’idée saugrenue, qu’on entend parfois, qu’il vaudrait mieux payer des salariés à faire un travail stupide que des chômeurs à rester chez eux.

Pourtant, nous avons tous remarqué que ce ne sont pas les besoins qui guident aujourd’hui la création d’emplois dans le secteur marchand mais les opportunités de profit.

On ne peut donc pas partir du paysage économique actuel pour en déduire qu’il n’y a pas assez d’emplois pour tout le monde. Nous n’avons pas, sous nos yeux, l’image d’une expression juste des vrais besoins de la population française. Pour ce qui concerne les activités assurées par le secteur marchand, nous avons simplement une représentation juste des secteurs rentables (ou rendus rentables à grand coups de publicité) dans le cadre particulier d’une économie mondialisée. Pour ce qui concerne les activités non marchandes assurées par un financement indirect, nous n’en voyons plus que sa portion congrue, réduite comme peau de chagrin par les politiques d’austérité.

Faire s’exprimer correctement les besoins de la population pour que l’offre de biens et de services soit à la hauteur et en corrélation avec ces besoins n’est tout simplement plus concevable dans notre société. Faire cet exercice est totalement vain et il ne faut pas s’y aventurer. En revanche, on peut facilement imaginer une expression de ces besoins très efficace dans une société dont les capacités d’investissement public seraient décuplées et dotée d’un contrôle citoyen sur le choix des activités productives exercées par les entreprises privées.

Considérer que les besoins en produits manufacturés sont aujourd’hui satisfaits alors qu’ils le sont essentiellement par l’importation et considérer comme perdus ses emplois pour notre pays, c’est accepter la mondialisation et le partage international du travail. Au Pardem, nous les refusons.

Il est impératif que chaque nation assume ses choix en matière de consommation,
sur le plan social et environnemental.

On ne peut pas sous-traiter aux pays pauvres les activités qui nous dérangent ou qui nous coûteraient trop cher en fermant les yeux sur les conditions de leur réalisation. La relocalisation des activités productives et de la fourniture d’énergie est donc impérative pour qu’un peuple exerce un contrôle citoyen sur ses modes de production. Cela ouvre pour la France un potentiel de plusieurs millions d’emplois.

Dans un programme politique au service des classes dominées, les besoins en emplois pourraient se définir, en première approche, comme les emplois qui seraient nécessaires pour :

  • Produire l’essentiel des biens de consommation en France et des produits agricoles de qualité, tout en réduisant de façon drastique les impacts environnementaux et la dépendance énergétique.
  • Assurer un logement et une fourniture en énergie à l’ensemble de la population.
  • Assurer des services de santé, de communication et d’éducation à l’ensemble de la population.

Cette question ne peut être abordée que de façon très globale, car ce sont les choix de société, à une époque donnée, qui fixent le niveau de besoin et la nature de ces besoins.

On peut sans doute considérer que l’accès à la culture (à travers notamment le spectacle vivant)
est un volet essentiel des besoins des Français au XXIe siècle.

On peut estimer entre 250 000 et 400 000 emplois le déficit dans le secteur automobile en France (1). Bien sûr, l’objectif d’une réimplantation de la filière automobile en France devrait être évalué au regard de celui d’aller vers une société plus économe en énergie et ces chiffres ne sont là que pour donner des ordres d’idée.

De façon plus globale, le libre-échange expliquerait le chômage de 4 à 5% de la population active (dont 0,5% pour les délocalisations sous forme de fermetures et transferts d’activités) (1). Avec de tels chiffres, on conçoit donc assez facilement que la sortie de l’Union européenne pour mettre en place des mesures protectionnistes aux frontières de la France, associée à une dévaluation d’une monnaie redevenue nationale, puisse réduire de moitié le chômage en France. Une telle réduction signifie un équilibre immédiat des comptes sociaux avec des effets induits positifs en cascade. Il n’existe pas, à notre connaissance, d’estimation similaire faite en intégrant l’objectif d’équilibre de la balance commerciale, objectif que le Pardem s’est fixé pour la mise en place de mesures protectionnistes dans un cadre coopératif.

Dans son scénario de transition énergétique, l’association Négawatt s’appuie sur un chiffrage des emplois créés qui fournit un résultat très modeste de 235 000 emplois en 2020. Ce chiffre intègre notamment une diminution de 100 000 emplois dans les transports. Cela n’a rien d’étonnant. On peut penser que la surconsommation d’énergie, la surproduction de déchets et de pollutions diffuses ou l’obsolescence programmée dans les sociétés développées sont créatrices d’emplois et le passage à une économie sobre et respectueuse de l’environnement devrait logiquement permettre d’économiser beaucoup de main-d’œuvre et de compétences mal employées.

Stopper l’hémorragie et redonner des moyens humains à l’agriculture est un objectif prioritaire pour toutes les politiques de santé, d’aménagement du territoire ou de sauvegarde de la biodiversité.

On estime que l’agriculture biologique emploie 20 à 30% de main-d’œuvre de plus que l’agriculture conventionnelle (chiffres Agence bio), ce qui correspond à une création potentielle d’environ 300 000 emplois.

Dans le secteur public, on conçoit sans peine une augmentation de moitié de l’emploi dans la santé et l’éducation, à un « coût » (comprendre « coût direct », étant entendu qu’il s’agit d’un gain à moyen terme) qui pourrait être réduit si ces mesures s’accompagnent d’une fonctionnarisation des médecins et pharmaciens et de la nationalisation de l’industrie du médicament. Le nombre d’heures travaillées dans ce secteur a déjà doublé sur la deuxième moitié du XXe siècle et une augmentation de 50% représenterait environ 2 millions d’emplois.

Enfin, dans le cadre d’un développement et de la promotion du secteur non marchand, le Pardem défend la création d’un service d’aide aux familles à fort potentiel de création d’emplois. En effet, l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) ne crée pas une égalité suffisante entre toutes les familles qui auraient besoin d’employer un salarié à domicile.

Pour parvenir à cette égalité, un service public national de l’aide aux familles doit être mis en place.

Sa gestion serait décentralisée et ses instances seraient majoritairement composées de représentants des syndicats, des élus et des familles. Pourraient en bénéficier ceux qui auraient des besoins dans les domaines suivants : ménage, repassage, cuisine, aide aux devoirs, garde des enfants, aller chercher les enfants à l’école, aide aux personnes âgées, aide aux handicapés, aide à la gestion administrative des familles… Les salariés de ce service public de l’aide aux familles disposeraient d’une convention collective nationale. Des contrats pourraient être passés avec des entreprises locales à but non lucratif.

C’est dans le cadre de ces mesures de grande ampleur que la réduction du temps de travail peut trouver toute sa place, notamment pour les métiers pénibles et, en particulier, le travail de nuit, ou les emplois de cadres qui sont rarement soumis à une limitation du temps de travail et dont, de ce fait, on sous-estime systématiquement les besoins. De même, des mesures en faveur de la limitation du temps de travail des travailleurs indépendants, ce dont il n’est jamais question, seraient importantes pour rendre à nouveau attractifs certains métiers comme le métier d’agriculteur tout en augmentant l’emploi dans ce secteur. Et, bien sûr, la réduction du temps de travail doit commencer par la réduction des heures supplémentaires qui représentent en France environ 1 million d’emplois.

En matière de conditions de travail, défendre les acquis est déjà un objectif !  

Un courant de pensée qui fait couler beaucoup d’encre s’attache à défendre le travail sur le plan qualitatif en remettant en question le statut du salarié au motif qu’il serait par nature aliénant. Ils oublient d’ailleurs souvent de dire que, si l’employeur a effectivement des droits sur les salariés, sur lesquels on peut tout à fait porter un jugement négatif, il a également des devoirs tels l’obligation de lui verser un salaire tous les mois, de le faire travailler dans des conditions sécurisées, de limiter la durée de son travail, ce dont il s’acquitte plutôt bien si on compare le sort des salariés à celui des travailleurs indépendants.

La période de forte amélioration du pouvoir d’achat des ménages de l’après-guerre s’est caractérisée par une salarisation croissante du travail.

L’exemple de l’agriculture, où les femmes et enfants sont devenus salariés de l’entreprise familiale alors qu’ils n’étaient que "corvéables à merci" est particulièrement éloquent pour en démontrer les bénéfices.

Le revenu universel est une piste avancée pour se libérer de l’emploi salarié. Un revenu universel permettrait de donner aux citoyens l’autonomie nécessaire pour lancer telle entreprise qu’aucune banque n’accepte de financer, tel projet associatif que la municipalité refuse de subventionner.

Le revenu universel ou revenu de base possède plusieurs défauts mais on se contentera ici de mentionner le plus flagrant : il représente une véritable révolution qui n’est pas pensée dans une société révolutionnée. Pour contourner cette difficulté majeure, ses promoteurs souhaitent en faire un sujet d’expérimentation et ont démontré ses bienfaits en Inde, en Namibie ou au Canada. Plus récemment, EELV a proposé un amendement dans ce sens à la région Rhône-Alpes (qui a été rejetée début 2015). C’est également la démarche choisie (et la seule possible !) pour la mise en place de monnaies alternatives, de commerce équitable ou de financement solidaire : aménager des « petites niches de bonheur » qui permettent d’échapper au système en place sans jamais lui faire de tort.

Le revenu universel peut être qualifié d’utopique au sens où il n’a jamais été expérimenté à l’échelle d’une nation.

L’argument selon lequel les retraités sont aujourd’hui à ce régime est évidemment tout à fait farfelu.
On n’a jamais vu des retraités se mettre spontanément à fabriquer des vis ou ramasser les poubelles.

Il convient d’être visionnaire dans une société qui progresse, c’est-à-dire une société dont une majorité de membres voient son bien-être s’améliorer. En revanche, dans une société qui n’enregistre que des régressions depuis 4 décennies, un programme politique à mettre en place sur une échelle de temps courte de quelques années doit s’appuyer sur les solutions qui ont fait leurs preuves. Au Pardem, nous pensons qu’il est encore raisonnable de considérer qu’on ne peut distribuer de revenu sans l’associer à un travail, et qu’un travail ne peut être rémunéré que s’il passe par l’une des deux formes de validation sociale que sont le marché et la collectivité. Nous pensons qu’il y aurait déjà beaucoup à faire dans ce cadre.

À l’heure où plus aucun parti ne se présente aux présidentielles avec l’objectif de supprimer le chômage et la précarité, le revenu de base nous semble au mieux un horizon très lointain. En matière de conditions de travail, il faudra (hélas !) se contenter de défendre les acquis tant que le chômage ne sera pas résorbé et c’est déjà devenu aujourd’hui un objectif très ambitieux que les syndicats n’arrivent déjà plus à se fixer.

L’échec du lancement d’un nouveau statut de travailleur indépendant (qui a notamment été utilisé pour sortir des salariés des entreprises et leur faire supporter tous les risques de leur activité) et l’explosion de l’intérim nous incite au contraire à promouvoir l’extension du statut de salarié. Dans ce cadre, les pistes pour améliorer le sort des travailleurs, et notamment leur sécurité financière, sont nombreuses. Les intérimaires qui enchaînent des missions d’intérim en tournant sur quelques usines devraient être salariés des agences d’intérim. Une bataille devrait être menée pour la consolidation du CDI. Cette forme de contrat, pourtant récente, est déjà en voie de disparition et elle mériterait qu’on lui fête son anniversaire à chaque décennie avant qu’on en soit réduit à le commémorer.

Toutes ces idées pour améliorer les conditions matérielles et immatérielles du travail n’ont aucune chance de se concrétiser à grande échelle tant qu’une solution n’aura pas été mise en œuvre pour supprimer le chômage et la précarité. Il nous manque 5 millions d’emplois en France et la priorité est bien de les créer !

(1) Jacques Sapir, La démondialisation, Seuil, 2012.  

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